Le cadeau
La fine poussière volatile blanchissait nos habits et nous faisait tousser. Le soleil brûlant séchait nos palais mais nous avions peu d’eau et il fallait marcher, ne pas s’arrêter. La route était longue jusqu’à la frontière. Maman, fatiguée de porter sur sa tête son lourd sac blanc en plastique qui contenait nos seules affaires, m’avait lâché la main. « Allez, marche toute seule maintenant ! m’avait-elle dit. Je te donnerai de l’eau bientôt. » La roche ocre se défaisait sous nos pieds et manquait à chaque pas de nous faire trébucher. Les yeux fixés au sol, j’avançais. Mes frêles jambes, qui au début avaient un peu tremblés, s’étaient vite habitués. Cela faisait trois jours que nous marchions, du lever au coucher. Il ne restait plus que nous deux. Maman et moi. Il fallait suivre, surtout ne pas perdre les autres devant nous. On s’était un peu éloigné. Il fallait les rattraper. Ensemble, nous étions protégés. Seules, tout pouvait nous arriver.
Je portais dans mon dos mon objet préféré. Maman m’avait dit qu’il était trop lourd pour moi, que ce n’était pas grave qu’il valait mieux le laisser. Mais j’avais insisté. À dix ans, on est grande et forte et je ne voulais surtout pas l’abandonner. Cela faisait des mois qu’il m’accompagnait partout, je dormais avec lui. Ainsi j’étais rassurée. C’est mon grand frère qui me l’avait donné. Il m’avait dit : « Maintenant, tu n’es plus une petite fille. Alors tu ne dois plus avoir peur. Il te protègera. » J’avais passé des heures à l’admirer, à le caresser, à lui parler. Avec lui, je rêvais de tous les exploits. Nous étions des héros qui sauveraient le monde du mal. Mon frère m’avait appris en cachette à bien le manier. Je le serrais fort contre moi, l’embrassais puis ensemble nous fixions l’horizon, orgueilleux.
Son poids importait peu. Avec lui, maman était en sûreté, je pouvais la protéger comme jadis papa faisait. Plus rien ne la ferait pleurer. Nous nous approchions de la terre de paix. Plus qu’une demi-journée. Au détour d’une enfilade de rochers, un homme cagoulé déboula soudain devant nous. Les yeux de maman sous le voile se mirent à trembler. De mes longs doigts, je saisissais rapidement mon cadeau caché dans le dos. Son bois verni était chaud sous la paume. Bientôt, sa longue courbe noire et luisante pointa vers le danger et d’un bruit sourd le fit taire. Maman sursauta et me lança un regard terrifié. Je la regardai bien fière.
La fine poussière volatile blanchissait nos habits et nous faisait tousser. Le soleil brûlant séchait nos palais mais nous avions peu d’eau et il fallait marcher, ne pas s’arrêter. La route était longue jusqu’à la frontière. Maman, fatiguée de porter sur sa tête son lourd sac blanc en plastique qui contenait nos seules affaires, m’avait lâché la main. « Allez, marche toute seule maintenant ! m’avait-elle dit. Je te donnerai de l’eau bientôt. » La roche ocre se défaisait sous nos pieds et manquait à chaque pas de nous faire trébucher. Les yeux fixés au sol, j’avançais. Mes frêles jambes, qui au début avaient un peu tremblés, s’étaient vite habitués. Cela faisait trois jours que nous marchions, du lever au coucher. Il ne restait plus que nous deux. Maman et moi. Il fallait suivre, surtout ne pas perdre les autres devant nous. On s’était un peu éloigné. Il fallait les rattraper. Ensemble, nous étions protégés. Seules, tout pouvait nous arriver.
Je portais dans mon dos mon objet préféré. Maman m’avait dit qu’il était trop lourd pour moi, que ce n’était pas grave qu’il valait mieux le laisser. Mais j’avais insisté. À dix ans, on est grande et forte et je ne voulais surtout pas l’abandonner. Cela faisait des mois qu’il m’accompagnait partout, je dormais avec lui. Ainsi j’étais rassurée. C’est mon grand frère qui me l’avait donné. Il m’avait dit : « Maintenant, tu n’es plus une petite fille. Alors tu ne dois plus avoir peur. Il te protègera. » J’avais passé des heures à l’admirer, à le caresser, à lui parler. Avec lui, je rêvais de tous les exploits. Nous étions des héros qui sauveraient le monde du mal. Mon frère m’avait appris en cachette à bien le manier. Je le serrais fort contre moi, l’embrassais puis ensemble nous fixions l’horizon, orgueilleux.
Son poids importait peu. Avec lui, maman était en sûreté, je pouvais la protéger comme jadis papa faisait. Plus rien ne la ferait pleurer. Nous nous approchions de la terre de paix. Plus qu’une demi-journée. Au détour d’une enfilade de rochers, un homme cagoulé déboula soudain devant nous. Les yeux de maman sous le voile se mirent à trembler. De mes longs doigts, je saisissais rapidement mon cadeau caché dans le dos. Son bois verni était chaud sous la paume. Bientôt, sa longue courbe noire et luisante pointa vers le danger et d’un bruit sourd le fit taire. Maman sursauta et me lança un regard terrifié. Je la regardai bien fière.