Une herbe verte
Une herbe verte tremble au gré du vent, une fourmi l’escalade rapidement, un oiseau chante joyeusement. Les nuages passent lentement, le ciel s’illumine alternativement. Allongée à même le sol, elle reçoit les premiers rayons du printemps et respire l’odeur pure de l’air des champs. Son esprit se vide lentement. Peu à peu, son corps se détend et elle ferme les yeux un instant.
La fumée partout pique les yeux. À l’aveuglette, elle court en évitant les passants. Des corps mutilés manquent de la faire tomber. Le sol est rouge de sang. Des cris désespérés, des sanglots, des murmures lancinants qui précèdent un lourd silence pesant. Des hommes, des femmes, des enfants que personne n’aide vraiment. Puis à nouveau, ce sifflement effrayant suivi d’un bombardement tonitruant. La terre ensevelit ses habitants. Les murs s’abattent sur des innocents. Elle court, elle court, sur ses petites jambes de fillette de dix ans. Elle fuit l’horreur du moment. Elle court, elle court, ne sachant pas bien où aller, elle ne cherche qu’à se protéger. Elle abandonne la ville, laissant loin derrière sa famille, ses parents muets et immobiles sous les débris, son frère disparu dans les rues, sans bruit. Elle court, elle court, fatiguée et affamée. La nuit tombe. Elle ralentit le pas mais ne s’arrête pas. Ô vous frères humains, voudrait-elle crier, pourquoi me faites-vous ça ? Mais elle ne veut pas penser et marche toujours tout droit. Elle suit la lune blanche et ronde qui l’éclaire et la guide dans cet hostile univers. Elle semble seule au monde sur ce chemin désert. Le soleil se lève et elle est encore sur pied. Sa tête bourdonne, son ventre gargouille, ses mollets se crispent mais elle continue à marcher. Que faire ? Il ne faut pas se retourner, surtout ne pas penser. Les constructions ont fait place aux champs parsemés de quelques pins blancs. La gorge est sèche, la tête tourne. Il faut boire pour pouvoir avancer. Y a-t-il une rivière tout près ? Ses yeux tout poussiéreux se brouillent. Les forces l’abandonnent, elle sort du sentier.
Sur la roche calcaire et aride, elle étend son frêle corps exténué pour se reposer. Sa jolie robe blanche est sale et déchirée. Le sang qui l’a souillée a eu le temps de sécher. Elle regarde un fin brin d’herbe verte que le vent fait bouger. Une minuscule fourmi saute de l’herbe sur son nez ensanglanté. Le chant lointain d’une alouette calandre lui arrache un sourire qui restera à jamais figé. Son corps inerte ne dore plus sous le soleil chaud du Moyen-Orient. Les nuages honteux ont voulu le couvrir de leur ombre grise, respectueusement. Ce petit ange pur, emporté par le souffle du vent injustement !
Une herbe verte tremble au gré du vent, une fourmi l’escalade rapidement, un oiseau chante joyeusement. Les nuages passent lentement, le ciel s’illumine alternativement. Allongée à même le sol, elle reçoit les premiers rayons du printemps et respire l’odeur pure de l’air des champs. Son esprit se vide lentement. Peu à peu, son corps se détend et elle ferme les yeux un instant.
La fumée partout pique les yeux. À l’aveuglette, elle court en évitant les passants. Des corps mutilés manquent de la faire tomber. Le sol est rouge de sang. Des cris désespérés, des sanglots, des murmures lancinants qui précèdent un lourd silence pesant. Des hommes, des femmes, des enfants que personne n’aide vraiment. Puis à nouveau, ce sifflement effrayant suivi d’un bombardement tonitruant. La terre ensevelit ses habitants. Les murs s’abattent sur des innocents. Elle court, elle court, sur ses petites jambes de fillette de dix ans. Elle fuit l’horreur du moment. Elle court, elle court, ne sachant pas bien où aller, elle ne cherche qu’à se protéger. Elle abandonne la ville, laissant loin derrière sa famille, ses parents muets et immobiles sous les débris, son frère disparu dans les rues, sans bruit. Elle court, elle court, fatiguée et affamée. La nuit tombe. Elle ralentit le pas mais ne s’arrête pas. Ô vous frères humains, voudrait-elle crier, pourquoi me faites-vous ça ? Mais elle ne veut pas penser et marche toujours tout droit. Elle suit la lune blanche et ronde qui l’éclaire et la guide dans cet hostile univers. Elle semble seule au monde sur ce chemin désert. Le soleil se lève et elle est encore sur pied. Sa tête bourdonne, son ventre gargouille, ses mollets se crispent mais elle continue à marcher. Que faire ? Il ne faut pas se retourner, surtout ne pas penser. Les constructions ont fait place aux champs parsemés de quelques pins blancs. La gorge est sèche, la tête tourne. Il faut boire pour pouvoir avancer. Y a-t-il une rivière tout près ? Ses yeux tout poussiéreux se brouillent. Les forces l’abandonnent, elle sort du sentier.
Sur la roche calcaire et aride, elle étend son frêle corps exténué pour se reposer. Sa jolie robe blanche est sale et déchirée. Le sang qui l’a souillée a eu le temps de sécher. Elle regarde un fin brin d’herbe verte que le vent fait bouger. Une minuscule fourmi saute de l’herbe sur son nez ensanglanté. Le chant lointain d’une alouette calandre lui arrache un sourire qui restera à jamais figé. Son corps inerte ne dore plus sous le soleil chaud du Moyen-Orient. Les nuages honteux ont voulu le couvrir de leur ombre grise, respectueusement. Ce petit ange pur, emporté par le souffle du vent injustement !