Le foulard
Les rideaux blancs volaient au vent et s’échappaient au dehors de la grande fenêtre ouverte. Le tissu frappait contre le pan émettant un fort claquement régulier. La jeune femme se leva, marcha vers l’ouverture, tenta de dompter le lin opalin mais il résistait. Ses maigres bras n’avaient plus de force et capitulaient. Elle resta là un instant, son regard fixé sur l’horizon, s’accrochant au bord en bois blanchi pour ne pas tomber. Le vent malmenait ce corps fragile vêtu d’une seule chemise ivoire qui se collait avec violence contre la peau fripée. Il emporta d’un coup le foulard blafard qui protégeait son crâne dénudé. Elle le regarda s’envoler dans l’espace infini, libre, heureux et plein de vie. Il survola l’herbe fraîche, s’éleva au-dessus du lac argenté, grand, dénoué, riant de cette nouvelle liberté, secoué par de petits spasmes saccadés. Bientôt il ne fut plus qu’un point blanchâtre sur le bleu azuré. Elle ferma les yeux quelques secondes pour garder l’image de cette étoffe déliée. Mais une soudaine toux inquiétante fit plier ce corps affaibli. Elle recula tremblante et s’appuya contre le lit. Les convulsions bruyantes masquèrent le doux sifflement du vent. Et dans la grande pièce blanche, on n’entendait plus que la voix rauque des soubresauts effrayants. Un jeune homme entra par la porte sans bruit. Il souleva de ses bras puissants le chétif corps agité, le déposa en douceur contre les coussins douillets et s’assit à ses côtés. Les secousses diminuèrent puis s’arrêtèrent. Il posa sa joue mouillée sur la main de l’alitée. De chaudes larmes ruisselaient sur la peau immaculée.
Brutalement, le vent vint le déranger. Une photo sur la commode tomba avec fracas. Il se leva pour la redresser et y posa intensément un regard attristé. Un jeune couple heureux dans un cabriolet, la fille fière avec ses lunettes de soleil irisées et son foulard blanc autour de ses longs cheveux noirs bouclés. La radio jouait un air moderne rythmé. Au bord de la route, les pins s’enfilaient à une vitesse effrénée. Elle chantait et riait. Il souriait. Puis vinrent les dunes, c’est là que la voiture décida de se garer. La petite starlette se mit à courir sur les montagnes de sable, rapidement toute essoufflée. Le garçon bien vite put la rattraper. Il la prit dans ses bras, l’embrassa puis la renversa sur le sol mouvant avec volupté. Au loin, les vagues se brisaient contre les rochers d’un mouvement régulier.
Une nouvelle rafale le fit revenir à la réalité. La fenêtre claqua d’un bruit sec contre le mur. Il rentra les rideaux et referma les vitres d’un geste sûr. Dehors, le voile nacré ne riait plus. Le tronc d’un chêne centenaire l’empêchait de respirer. Il essayait en vain de se libérer. Peu à peu, ses deux extrémités cessèrent de voleter. Puis dans un dernier élan, elles se gonflèrent à nouveau, prêtes à résister. Elles enserraient l’arbre et tiraient et tiraient des deux côtés. À bout de force, elles durent abandonner. Le tissu blême s’écroula alors à terre, inanimé. Lorsqu’il revint au chevet, le visage livide s’était figé à tout jamais.
Les rideaux blancs volaient au vent et s’échappaient au dehors de la grande fenêtre ouverte. Le tissu frappait contre le pan émettant un fort claquement régulier. La jeune femme se leva, marcha vers l’ouverture, tenta de dompter le lin opalin mais il résistait. Ses maigres bras n’avaient plus de force et capitulaient. Elle resta là un instant, son regard fixé sur l’horizon, s’accrochant au bord en bois blanchi pour ne pas tomber. Le vent malmenait ce corps fragile vêtu d’une seule chemise ivoire qui se collait avec violence contre la peau fripée. Il emporta d’un coup le foulard blafard qui protégeait son crâne dénudé. Elle le regarda s’envoler dans l’espace infini, libre, heureux et plein de vie. Il survola l’herbe fraîche, s’éleva au-dessus du lac argenté, grand, dénoué, riant de cette nouvelle liberté, secoué par de petits spasmes saccadés. Bientôt il ne fut plus qu’un point blanchâtre sur le bleu azuré. Elle ferma les yeux quelques secondes pour garder l’image de cette étoffe déliée. Mais une soudaine toux inquiétante fit plier ce corps affaibli. Elle recula tremblante et s’appuya contre le lit. Les convulsions bruyantes masquèrent le doux sifflement du vent. Et dans la grande pièce blanche, on n’entendait plus que la voix rauque des soubresauts effrayants. Un jeune homme entra par la porte sans bruit. Il souleva de ses bras puissants le chétif corps agité, le déposa en douceur contre les coussins douillets et s’assit à ses côtés. Les secousses diminuèrent puis s’arrêtèrent. Il posa sa joue mouillée sur la main de l’alitée. De chaudes larmes ruisselaient sur la peau immaculée.
Brutalement, le vent vint le déranger. Une photo sur la commode tomba avec fracas. Il se leva pour la redresser et y posa intensément un regard attristé. Un jeune couple heureux dans un cabriolet, la fille fière avec ses lunettes de soleil irisées et son foulard blanc autour de ses longs cheveux noirs bouclés. La radio jouait un air moderne rythmé. Au bord de la route, les pins s’enfilaient à une vitesse effrénée. Elle chantait et riait. Il souriait. Puis vinrent les dunes, c’est là que la voiture décida de se garer. La petite starlette se mit à courir sur les montagnes de sable, rapidement toute essoufflée. Le garçon bien vite put la rattraper. Il la prit dans ses bras, l’embrassa puis la renversa sur le sol mouvant avec volupté. Au loin, les vagues se brisaient contre les rochers d’un mouvement régulier.
Une nouvelle rafale le fit revenir à la réalité. La fenêtre claqua d’un bruit sec contre le mur. Il rentra les rideaux et referma les vitres d’un geste sûr. Dehors, le voile nacré ne riait plus. Le tronc d’un chêne centenaire l’empêchait de respirer. Il essayait en vain de se libérer. Peu à peu, ses deux extrémités cessèrent de voleter. Puis dans un dernier élan, elles se gonflèrent à nouveau, prêtes à résister. Elles enserraient l’arbre et tiraient et tiraient des deux côtés. À bout de force, elles durent abandonner. Le tissu blême s’écroula alors à terre, inanimé. Lorsqu’il revint au chevet, le visage livide s’était figé à tout jamais.